Comment une démocratie devient totalitaire
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Comment une démocratie devient totalitaire
Conférence donnée à l’université d’été du Front national, le 28 août 2002 à Annecy.
J’ai proposé à Bernard Antony cet intitulé, non seulement parce qu'il est le plus directement lié qui soit au thème de cette université d’été, mais surtout parce qu’il a déjà été traité, par quelqu’un d’autre, qui l’a traité en profondeur, à la racine même de la question. Eh oui, je l’avoue, comme ça, c’est plus facile. D’autant que ce quelqu’un d’autre n’est pas un obscur tâcheron de la pensée, mais une grande autorité intellectuelle et morale : il s’agit tout simplement du pape Jean-Paul II.
Ce sujet a en effet été traité par Jean-Paul II, notamment dans son encyclique Evangelium vitæ. Il convient de voir cela de près, car non seulement le pape va au cœur de la question, mais il se trouve en outre que cette encyclique est, sur ce point précis, étroitement liée à la politique française. Je souligne d’emblée qu’il ne s’agit pas ici du contenu religieux de l’encyclique, malgré son titre : l’évangile de la vie, mais uniquement de son enseignement de philosophie politique, celui qui se situe sur le plan naturel, sur le plan de la société des hommes, et non sur le plan surnaturel, celui de la foi catholique.
J’ai proposé à Bernard Antony cet intitulé, non seulement parce qu'il est le plus directement lié qui soit au thème de cette université d’été, mais surtout parce qu’il a déjà été traité, par quelqu’un d’autre, qui l’a traité en profondeur, à la racine même de la question. Eh oui, je l’avoue, comme ça, c’est plus facile. D’autant que ce quelqu’un d’autre n’est pas un obscur tâcheron de la pensée, mais une grande autorité intellectuelle et morale : il s’agit tout simplement du pape Jean-Paul II.
Ce sujet a en effet été traité par Jean-Paul II, notamment dans son encyclique Evangelium vitæ. Il convient de voir cela de près, car non seulement le pape va au cœur de la question, mais il se trouve en outre que cette encyclique est, sur ce point précis, étroitement liée à la politique française. Je souligne d’emblée qu’il ne s’agit pas ici du contenu religieux de l’encyclique, malgré son titre : l’évangile de la vie, mais uniquement de son enseignement de philosophie politique, celui qui se situe sur le plan naturel, sur le plan de la société des hommes, et non sur le plan surnaturel, celui de la foi catholique.
Pirate- Messages : 157
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Re: Comment une démocratie devient totalitaire
La loi morale et la loi civile
L’encyclique Evangelium vitae a été publiée au moment de la campagne de l’élection présidentielle de 1995. Le Journal du Dimanche demanda aux différents candidats ce qu’ils en pensaient. Jean-Marie Le Pen salua “l’infinie sagesse” du pape. En revanche, Jacques Chirac rejeta l’encyclique de la façon la plus fondamentale en disant : « Non à une loi morale qui primerait la loi civile. » Ce n’était pas un propos irréfléchi de campagne électorale, ce n’était pas un dérapage dû à un conseiller trop “zélé”. Jacques Chirac a ensuite confirmé dans des courriers que telle était bien sa pensée. Et il l’a ensuite répété au sommet européen de Nice.
Non à une loi morale qui primerait la loi civile. C’était là contredire de façon frontale le propos de Jean-Paul II. Et c’était le contredire très précisément sur ce que disait le pape quand il expliquait comment la démocratie devient totalitaire. Ce jour-là, Jacques Chirac a montré ouvertement qu’il avait une conception totalitaire de la démocratie. Et qu’il n’y aurait donc pas à s’étonner de ce qui se passerait par la suite, y compris entre les deux tours de la présidentielle de 2002.
Tout récemment, le 20 août dernier, on a vu resurgir la phrase de Chirac, dans un éditorial du Monde sur le voyage du pape en Pologne :
« Entrer dans l’Europe, mais pas les yeux fermés. Sur ce point aussi, Jean-Paul II est clair : la Pologne doit adhérer à l’Union [ce serait à nuancer, mais ce n’est pas ici notre propos] sans perdre son âme. Or, à l’entendre, la montée de la sécularisation et de l’athéisme contre laquelle il a mis une fois de plus dimanche le monde en garde, serait une menace pour les valeurs chrétiennes dont la Pologne se veut l’historique rempart, comme elle l’a montré face à l’oppression communiste. Certes, défendre les valeurs chrétiennes au sein de l’Europe ne signifie pas porter atteinte aux droits des autres communautés, juive et musulmane notamment. Mais dans ce “modèle” polonais que Jean-Paul II dessine pour l'Europe, ne retrouve-t-on pas le vieux démon catholique tenté d’opposer sa loi morale à la loi civile ? Le Vatican a ainsi violemment protesté contre l’adoption par le Parlement européen, le mois dernier, d’un rapport visant à reconnaître à toute femme un droit à l’avortement. A propos de l’IVG comme de l’euthanasie et des manipulations génétiques qu’il a également condamnées à Cracovie, le pape se place en “législateur” du monde autant qu’en éveilleur des consciences. »
La référence à Jacques Chirac est implicite mais évidente pour quiconque se souvient de la phrase de 1995, et à quoi elle répondait. En d’autres temps on aurait pu s’étonner de voir Le Monde faire de Chirac une autorité morale plus convaincante que le pape. Mais depuis ce qui s’est passé après le premier tour de la dernière élection présidentielle, on ne s’étonne plus de ce genre d’incongruité.
On remarque que Le Monde durcit le propos de Chirac, en parlant d’“opposition” au lieu de “primauté”, et en y ajoutant une attaque polémique contre l’Eglise. Mais le contenu est exactement le même. La loi morale ne doit pas pouvoir s’opposer à la loi civile, parce qu’on en nie la primauté, et cette loi morale est celle du “vieux démon catholique”. Voilà un exemple de diabolisation à l’état brut. Par une simple inversion, une inversion diabolique, c’est l’Eglise qui est le diable. On a là aussi, du reste, un écho de ce qu’a dit Chirac à Lyon, le 25 avril, entre les deux tours de la présidentielle, quand il a appelé à « écarter les vieux démons de la tentation extrémiste ». Jean-Paul II, Le Pen, même combat. En outre, j’aurai l’occasion de souligner que cette loi morale dont on parle n’est pas SA loi morale, la propriété de l’Eglise, mais qu’elle appartient au patrimoine de l’humanité.
L’encyclique Evangelium vitae a été publiée au moment de la campagne de l’élection présidentielle de 1995. Le Journal du Dimanche demanda aux différents candidats ce qu’ils en pensaient. Jean-Marie Le Pen salua “l’infinie sagesse” du pape. En revanche, Jacques Chirac rejeta l’encyclique de la façon la plus fondamentale en disant : « Non à une loi morale qui primerait la loi civile. » Ce n’était pas un propos irréfléchi de campagne électorale, ce n’était pas un dérapage dû à un conseiller trop “zélé”. Jacques Chirac a ensuite confirmé dans des courriers que telle était bien sa pensée. Et il l’a ensuite répété au sommet européen de Nice.
Non à une loi morale qui primerait la loi civile. C’était là contredire de façon frontale le propos de Jean-Paul II. Et c’était le contredire très précisément sur ce que disait le pape quand il expliquait comment la démocratie devient totalitaire. Ce jour-là, Jacques Chirac a montré ouvertement qu’il avait une conception totalitaire de la démocratie. Et qu’il n’y aurait donc pas à s’étonner de ce qui se passerait par la suite, y compris entre les deux tours de la présidentielle de 2002.
Tout récemment, le 20 août dernier, on a vu resurgir la phrase de Chirac, dans un éditorial du Monde sur le voyage du pape en Pologne :
« Entrer dans l’Europe, mais pas les yeux fermés. Sur ce point aussi, Jean-Paul II est clair : la Pologne doit adhérer à l’Union [ce serait à nuancer, mais ce n’est pas ici notre propos] sans perdre son âme. Or, à l’entendre, la montée de la sécularisation et de l’athéisme contre laquelle il a mis une fois de plus dimanche le monde en garde, serait une menace pour les valeurs chrétiennes dont la Pologne se veut l’historique rempart, comme elle l’a montré face à l’oppression communiste. Certes, défendre les valeurs chrétiennes au sein de l’Europe ne signifie pas porter atteinte aux droits des autres communautés, juive et musulmane notamment. Mais dans ce “modèle” polonais que Jean-Paul II dessine pour l'Europe, ne retrouve-t-on pas le vieux démon catholique tenté d’opposer sa loi morale à la loi civile ? Le Vatican a ainsi violemment protesté contre l’adoption par le Parlement européen, le mois dernier, d’un rapport visant à reconnaître à toute femme un droit à l’avortement. A propos de l’IVG comme de l’euthanasie et des manipulations génétiques qu’il a également condamnées à Cracovie, le pape se place en “législateur” du monde autant qu’en éveilleur des consciences. »
La référence à Jacques Chirac est implicite mais évidente pour quiconque se souvient de la phrase de 1995, et à quoi elle répondait. En d’autres temps on aurait pu s’étonner de voir Le Monde faire de Chirac une autorité morale plus convaincante que le pape. Mais depuis ce qui s’est passé après le premier tour de la dernière élection présidentielle, on ne s’étonne plus de ce genre d’incongruité.
On remarque que Le Monde durcit le propos de Chirac, en parlant d’“opposition” au lieu de “primauté”, et en y ajoutant une attaque polémique contre l’Eglise. Mais le contenu est exactement le même. La loi morale ne doit pas pouvoir s’opposer à la loi civile, parce qu’on en nie la primauté, et cette loi morale est celle du “vieux démon catholique”. Voilà un exemple de diabolisation à l’état brut. Par une simple inversion, une inversion diabolique, c’est l’Eglise qui est le diable. On a là aussi, du reste, un écho de ce qu’a dit Chirac à Lyon, le 25 avril, entre les deux tours de la présidentielle, quand il a appelé à « écarter les vieux démons de la tentation extrémiste ». Jean-Paul II, Le Pen, même combat. En outre, j’aurai l’occasion de souligner que cette loi morale dont on parle n’est pas SA loi morale, la propriété de l’Eglise, mais qu’elle appartient au patrimoine de l’humanité.
Pirate- Messages : 157
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Re: Comment une démocratie devient totalitaire
Le faux “droit” à l'avortement et ses conséquences
Il faut rappeler qu’Evangelium vitæ est le plus fort des textes de combat de Jean-Paul II contre l’avortement. Et que Jacques Chirac est le chef de gouvernement qui a légalisé l’avortement en France. Non à une loi morale qui primerait la loi civile, cela veut dire ici qu’aucune prétendue morale ne peut se mettre en travers de la liberté d’avorter. Et c’est ce que Le Monde est venu rappeler le 20 août.
Or le pape disait que lorsque la liberté s’émancipe de toute référence à des valeurs communes et à une vérité absolue pour tous, « la vie sociale s’aventure dans les sables mouvants d’un relativisme absolu », et tout devient négociable, y compris le premier des droits fondamentaux, le droit à la vie. Et c’est ainsi qu’un vote parlementaire peut instituer un droit à l’avortement. Mais alors « le “droit” cesse d’en être un, soulignait Jean-Paul II, parce qu’il n’est plus fermement fondé sur une dignité inviolable de la personne, mais qu’on le fait dépendre de la volonté du plus fort ». Ainsi « la démocratie, en dépit de ses principes, s’achemine vers un totalitarisme caractérisé ». Et l’Etat, ajoutait-il, « se transforme en Etat tyran ».
Autrement dit, la démocratie devient totalitaire quand elle n’est plus fondée sur la vérité de la personne humaine et sur les principes pérennes de la vie sociale, mais que les plus forts, ceux qui par divers artifices ont réussi à constituer une majorité, se servent de cette majorité pour édicter des lois civiles contraires à la loi morale, pour imposer un faux droit qui ne repose que sur des idéologies contraires à la véritable dignité et à la véritable liberté humaines.
Il faut rappeler qu’Evangelium vitæ est le plus fort des textes de combat de Jean-Paul II contre l’avortement. Et que Jacques Chirac est le chef de gouvernement qui a légalisé l’avortement en France. Non à une loi morale qui primerait la loi civile, cela veut dire ici qu’aucune prétendue morale ne peut se mettre en travers de la liberté d’avorter. Et c’est ce que Le Monde est venu rappeler le 20 août.
Or le pape disait que lorsque la liberté s’émancipe de toute référence à des valeurs communes et à une vérité absolue pour tous, « la vie sociale s’aventure dans les sables mouvants d’un relativisme absolu », et tout devient négociable, y compris le premier des droits fondamentaux, le droit à la vie. Et c’est ainsi qu’un vote parlementaire peut instituer un droit à l’avortement. Mais alors « le “droit” cesse d’en être un, soulignait Jean-Paul II, parce qu’il n’est plus fermement fondé sur une dignité inviolable de la personne, mais qu’on le fait dépendre de la volonté du plus fort ». Ainsi « la démocratie, en dépit de ses principes, s’achemine vers un totalitarisme caractérisé ». Et l’Etat, ajoutait-il, « se transforme en Etat tyran ».
Autrement dit, la démocratie devient totalitaire quand elle n’est plus fondée sur la vérité de la personne humaine et sur les principes pérennes de la vie sociale, mais que les plus forts, ceux qui par divers artifices ont réussi à constituer une majorité, se servent de cette majorité pour édicter des lois civiles contraires à la loi morale, pour imposer un faux droit qui ne repose que sur des idéologies contraires à la véritable dignité et à la véritable liberté humaines.
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Re: Comment une démocratie devient totalitaire
Les limites de la majorité
Plus loin, Jean-Paul II écrivait : « La démocratie ne peut être élevée au rang d’un mythe, au point de devenir un substitut de la moralité ou d’être la panacée de l’immoralité. Fondamentalement, elle est un système et, comme tel, un instrument et non pas une fin. Son caractère moral n’est pas automatique, mais dépend de la conformité à la loi morale, à laquelle la démocratie doit être soumise comme tout comportement humain. (...) La valeur de la démocratie se maintient ou disparaît en fonction des valeurs qu’elle incarne et promeut. (...) Le fondement de ces valeurs ne peut se trouver dans des majorités d’opinion provisoires et fluctuantes, mais seulement dans la reconnaissance d’une loi morale objective qui, en tant que loi naturelle inscrite dans le cœur de l’homme, est une référence normative pour la loi civile elle-même. Lorsque, à cause d’un tragique obscurcissement de la conscience collective, le scepticisme en viendrait à mettre en doute jusqu’aux principes fondamentaux de la loi morale, c’est le système démocratique qui serait ébranlé dans ses fondements, réduit à un simple mécanisme de régulation empirique d’intérêts divers et opposés. (...) Dans une telle situation, la démocratie devient aisément un mot creux. Pour l’avenir de la société et pour le développement d’une saine démocratie, il est donc urgent de redécouvrir l’existence de valeurs humaines et morales essentielles et originelles, qui découlent de la vérité même de l’être humain et qui expriment et protègent la dignité de la personne : ce sont donc des valeurs qu’aucune personne, aucune majorité ni aucun Etat ne pourront jamais créer, modifier ou abolir, mais que l’on est tenu de reconnaître, respecter et promouvoir. Dans ce contexte, il faut reprendre les éléments fondamentaux de la conception des rapports entre la loi civile et la loi morale, tels qu’ils sont proposés par l’Eglise, mais qui font partie du patrimoine des grandes traditions juridiques de l’humanité. »
Pardonnez-moi pour cette longue citation, mais elle est nécessaire. Car ce sont là les propos auxquels Jacques Chirac s’opposait ouvertement, en disant “Non à une loi morale qui primerait la loi civile”. En revanche, Jean-Marie Le Pen a toujours professé que la morale prime la politique, et que la loi morale qui s’impose à la politique est, dans notre civilisation, résumée dans le Décalogue.
Plus loin, Jean-Paul II écrivait : « La démocratie ne peut être élevée au rang d’un mythe, au point de devenir un substitut de la moralité ou d’être la panacée de l’immoralité. Fondamentalement, elle est un système et, comme tel, un instrument et non pas une fin. Son caractère moral n’est pas automatique, mais dépend de la conformité à la loi morale, à laquelle la démocratie doit être soumise comme tout comportement humain. (...) La valeur de la démocratie se maintient ou disparaît en fonction des valeurs qu’elle incarne et promeut. (...) Le fondement de ces valeurs ne peut se trouver dans des majorités d’opinion provisoires et fluctuantes, mais seulement dans la reconnaissance d’une loi morale objective qui, en tant que loi naturelle inscrite dans le cœur de l’homme, est une référence normative pour la loi civile elle-même. Lorsque, à cause d’un tragique obscurcissement de la conscience collective, le scepticisme en viendrait à mettre en doute jusqu’aux principes fondamentaux de la loi morale, c’est le système démocratique qui serait ébranlé dans ses fondements, réduit à un simple mécanisme de régulation empirique d’intérêts divers et opposés. (...) Dans une telle situation, la démocratie devient aisément un mot creux. Pour l’avenir de la société et pour le développement d’une saine démocratie, il est donc urgent de redécouvrir l’existence de valeurs humaines et morales essentielles et originelles, qui découlent de la vérité même de l’être humain et qui expriment et protègent la dignité de la personne : ce sont donc des valeurs qu’aucune personne, aucune majorité ni aucun Etat ne pourront jamais créer, modifier ou abolir, mais que l’on est tenu de reconnaître, respecter et promouvoir. Dans ce contexte, il faut reprendre les éléments fondamentaux de la conception des rapports entre la loi civile et la loi morale, tels qu’ils sont proposés par l’Eglise, mais qui font partie du patrimoine des grandes traditions juridiques de l’humanité. »
Pardonnez-moi pour cette longue citation, mais elle est nécessaire. Car ce sont là les propos auxquels Jacques Chirac s’opposait ouvertement, en disant “Non à une loi morale qui primerait la loi civile”. En revanche, Jean-Marie Le Pen a toujours professé que la morale prime la politique, et que la loi morale qui s’impose à la politique est, dans notre civilisation, résumée dans le Décalogue.
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Re: Comment une démocratie devient totalitaire
Les valeurs éternelles
En 1990, réagissant à la création de l'UPF — Union pour la France —, le machin électoral RPR-UDF de l'époque, qui mettait en avant ses “valeurs politiques et morales” sans dire ce qu'elles étaient (sinon qu'elles interdisaient tout accord avec le Front National, bien entendu), Jean-Marie Le Pen déclara solennellement :
« Il n'y a pas les valeurs de l'Union pour la France. Pas plus qu'il n'y aurait celles de François Mitterrand, de Giscard d'Estaing, ou même de Jean-Marie Le Pen. Il n'y a, dignes de ce nom de valeurs, que celles, éternelles, confirmées par une expérience plusieurs fois millénaire. Ces valeurs, ajouta-t-il, elles sont aussi réelles que notre civilisation. » Alors il récita les dix commandements. Et il insista : « Voilà quels sont les fondements des valeurs morales sur lesquelles repose notre civilisation. »
Il est frappant de constater à quel point ces propos de Jean-Marie Le Pen, en 1990, correspondent précisément à ce qu’écrira Jean-Paul II dans son encyclique de 1995 : « Des valeurs qu’aucune personne, aucune majorité ni aucun Etat ne pourront jamais créer, modifier ou abolir, mais que l’on est tenu de reconnaître, respecter et promouvoir. »
Le 26 septembre 1993, dans son discours à la fête des BBR, Jean-Marie Le Pen examina les causes de la « gangrène » qui gagne notre société : « Le sens du bien et du mal a été relativisé, inversé, j’oserai même dire : inverti. » Le Bien et le Mal doivent redevenir des valeurs absolues, poursuivait-il, et il précisait : « Nos valeurs sont celles du Décalogue. Nous devons rétablir le Vrai, le Beau et le Bien dans tous les domaines. Comme le disait l’apôtre Jean, la vérité est le critère de la liberté. »
En 1990, réagissant à la création de l'UPF — Union pour la France —, le machin électoral RPR-UDF de l'époque, qui mettait en avant ses “valeurs politiques et morales” sans dire ce qu'elles étaient (sinon qu'elles interdisaient tout accord avec le Front National, bien entendu), Jean-Marie Le Pen déclara solennellement :
« Il n'y a pas les valeurs de l'Union pour la France. Pas plus qu'il n'y aurait celles de François Mitterrand, de Giscard d'Estaing, ou même de Jean-Marie Le Pen. Il n'y a, dignes de ce nom de valeurs, que celles, éternelles, confirmées par une expérience plusieurs fois millénaire. Ces valeurs, ajouta-t-il, elles sont aussi réelles que notre civilisation. » Alors il récita les dix commandements. Et il insista : « Voilà quels sont les fondements des valeurs morales sur lesquelles repose notre civilisation. »
Il est frappant de constater à quel point ces propos de Jean-Marie Le Pen, en 1990, correspondent précisément à ce qu’écrira Jean-Paul II dans son encyclique de 1995 : « Des valeurs qu’aucune personne, aucune majorité ni aucun Etat ne pourront jamais créer, modifier ou abolir, mais que l’on est tenu de reconnaître, respecter et promouvoir. »
Le 26 septembre 1993, dans son discours à la fête des BBR, Jean-Marie Le Pen examina les causes de la « gangrène » qui gagne notre société : « Le sens du bien et du mal a été relativisé, inversé, j’oserai même dire : inverti. » Le Bien et le Mal doivent redevenir des valeurs absolues, poursuivait-il, et il précisait : « Nos valeurs sont celles du Décalogue. Nous devons rétablir le Vrai, le Beau et le Bien dans tous les domaines. Comme le disait l’apôtre Jean, la vérité est le critère de la liberté. »
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Re: Comment une démocratie devient totalitaire
La liberté et la vérité
En effet, si la liberté n’est plus en rapport avec la vérité, il n’y a plus de liberté. Il n’y a notamment plus de liberté de la vérité, plus d’expression possible de la vérité. Ce qui est le cœur même du totalitarisme (c’est pourquoi le principal journal soviétique, le journal le plus mensonger de l’histoire, s’appelait la Pravda, ce qui veut dire en russe la Vérité), et nous avons tout récemment fait l’expérience vivante de cet aspect du totalitarisme entre les deux tours de la présidentielle.
Neuf jours après ce discours de Jean-Marie Le Pen, le pape publiait son encyclique Veritatis splendor, autre très grand texte de Jean-Paul II. Il se trouve que le lien entre liberté et vérité est au cœur de cette encyclique, que l’on a pu appeler l’encyclique de la loi naturelle. Là aussi, il évoquait la dérive totalitaire. Et il citait une précédente encyclique, l’encyclique sociale Centesimus annus, ce qui montre la continuité de sa réflexion sur ce thème : « Le totalitarisme naît de la négation de la vérité au sens objectif du terme : s’il n’existe pas de vérité transcendante, par l’obéissance à laquelle l’homme acquiert sa pleine identité, dans ces conditions, il n’existe aucun principe sûr pour garantir des rapports justes entre les hommes. Leurs intérêts de classe, de groupe ou de nation les opposent inévitablement les uns aux autres. Si la vérité transcendante n’est pas reconnue, la force du pouvoir triomphe, et chacun tend à utiliser jusqu’au bout les moyens dont il dispose pour faire prévaloir ses intérêts ou ses opinions, sans considération pour les droits des autres. » Et peu après il écrivait : « Dans de nombreux pays, après la chute des idéologies qui liaient la politique à une conception totalitaire du monde — la première d’entre elles étant le marxisme —, un risque non moins grave apparaît aujourd’hui à cause de la négation des droits fondamentaux de la personne humaine et à cause de l’absorption dans le cadre politique de l’aspiration religieuse qui réside dans le cœur de tout être humain : c’est le risque de l’alliance entre la démocratie et le relativisme éthique qui retire à la convivialité civile toute référence morale sûre et la prive, plus radicalement, de l’acceptation de la vérité. » En effet, poursuivait-il en citant de nouveau Centesimus annus, « s’il n’existe aucune vérité dernière qui guide et oriente l’action politique, les idées et les convictions peuvent être facilement exploitées au profit du pouvoir. Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l’histoire. » Et l’on ajoutera : comme le montre l’actualité.
En effet, si la liberté n’est plus en rapport avec la vérité, il n’y a plus de liberté. Il n’y a notamment plus de liberté de la vérité, plus d’expression possible de la vérité. Ce qui est le cœur même du totalitarisme (c’est pourquoi le principal journal soviétique, le journal le plus mensonger de l’histoire, s’appelait la Pravda, ce qui veut dire en russe la Vérité), et nous avons tout récemment fait l’expérience vivante de cet aspect du totalitarisme entre les deux tours de la présidentielle.
Neuf jours après ce discours de Jean-Marie Le Pen, le pape publiait son encyclique Veritatis splendor, autre très grand texte de Jean-Paul II. Il se trouve que le lien entre liberté et vérité est au cœur de cette encyclique, que l’on a pu appeler l’encyclique de la loi naturelle. Là aussi, il évoquait la dérive totalitaire. Et il citait une précédente encyclique, l’encyclique sociale Centesimus annus, ce qui montre la continuité de sa réflexion sur ce thème : « Le totalitarisme naît de la négation de la vérité au sens objectif du terme : s’il n’existe pas de vérité transcendante, par l’obéissance à laquelle l’homme acquiert sa pleine identité, dans ces conditions, il n’existe aucun principe sûr pour garantir des rapports justes entre les hommes. Leurs intérêts de classe, de groupe ou de nation les opposent inévitablement les uns aux autres. Si la vérité transcendante n’est pas reconnue, la force du pouvoir triomphe, et chacun tend à utiliser jusqu’au bout les moyens dont il dispose pour faire prévaloir ses intérêts ou ses opinions, sans considération pour les droits des autres. » Et peu après il écrivait : « Dans de nombreux pays, après la chute des idéologies qui liaient la politique à une conception totalitaire du monde — la première d’entre elles étant le marxisme —, un risque non moins grave apparaît aujourd’hui à cause de la négation des droits fondamentaux de la personne humaine et à cause de l’absorption dans le cadre politique de l’aspiration religieuse qui réside dans le cœur de tout être humain : c’est le risque de l’alliance entre la démocratie et le relativisme éthique qui retire à la convivialité civile toute référence morale sûre et la prive, plus radicalement, de l’acceptation de la vérité. » En effet, poursuivait-il en citant de nouveau Centesimus annus, « s’il n’existe aucune vérité dernière qui guide et oriente l’action politique, les idées et les convictions peuvent être facilement exploitées au profit du pouvoir. Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l’histoire. » Et l’on ajoutera : comme le montre l’actualité.
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Re: Comment une démocratie devient totalitaire
La loi morale naturelle, patrimoine de l'humanité
Cette doctrine n’est pas spécifiquement catholique. Le pape lui-même le souligne, lorsqu’il définit « la conception des rapports entre la loi civile et la loi morale, tels qu’ils sont proposés par l’Eglise, mais qui font aussi partie du patrimoine des grandes traditions juridiques de l’humanité ». Mais il se trouve que l’Eglise est en quelque sorte la protectrice de la loi naturelle, et qu’on aurait tort de ne pas profiter de son travail sur ce sujet.
Certains disent que la loi naturelle, c’est une invention de l’Eglise catholique, et la preuve en est que seule l’Eglise catholique en parle. D’abord cela n’est pas une preuve. Ce n’est pas parce que le Front national est le seul mouvement politique à parler de l’indépendance de la France et à vouloir la préserver et la rétablir que c’est le Front national qui a inventé le concept d’indépendance de la France. Ensuite ce n’est pas vrai que seule l’Eglise catholique propose la loi naturelle. Par exemple, quand on écoute le professeur Lucien Israël, qui est comme son nom l’indique d’origine israélite, et qui est personnellement agnostique, il est évident qu’il se réfère à la loi morale naturelle, sans se référer à l’Eglise catholique. En réalité, l’Eglise catholique a tout naturellement reconnu et adopté la loi morale naturelle, parce que la loi naturelle est en quelque sorte la matière sur laquelle elle peut greffer le surnaturel. Ainsi, au cours des siècles de chrétienté, l’Eglise a tout naturellement garanti et enrichi la doctrine de la loi naturelle. C’est pourquoi ce n’est pas une clause de style quand le pape rappelle que cette doctrine, que l’Eglise propose, fait partie du patrimoine de l’humanité.
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Cette doctrine n’est pas spécifiquement catholique. Le pape lui-même le souligne, lorsqu’il définit « la conception des rapports entre la loi civile et la loi morale, tels qu’ils sont proposés par l’Eglise, mais qui font aussi partie du patrimoine des grandes traditions juridiques de l’humanité ». Mais il se trouve que l’Eglise est en quelque sorte la protectrice de la loi naturelle, et qu’on aurait tort de ne pas profiter de son travail sur ce sujet.
Certains disent que la loi naturelle, c’est une invention de l’Eglise catholique, et la preuve en est que seule l’Eglise catholique en parle. D’abord cela n’est pas une preuve. Ce n’est pas parce que le Front national est le seul mouvement politique à parler de l’indépendance de la France et à vouloir la préserver et la rétablir que c’est le Front national qui a inventé le concept d’indépendance de la France. Ensuite ce n’est pas vrai que seule l’Eglise catholique propose la loi naturelle. Par exemple, quand on écoute le professeur Lucien Israël, qui est comme son nom l’indique d’origine israélite, et qui est personnellement agnostique, il est évident qu’il se réfère à la loi morale naturelle, sans se référer à l’Eglise catholique. En réalité, l’Eglise catholique a tout naturellement reconnu et adopté la loi morale naturelle, parce que la loi naturelle est en quelque sorte la matière sur laquelle elle peut greffer le surnaturel. Ainsi, au cours des siècles de chrétienté, l’Eglise a tout naturellement garanti et enrichi la doctrine de la loi naturelle. C’est pourquoi ce n’est pas une clause de style quand le pape rappelle que cette doctrine, que l’Eglise propose, fait partie du patrimoine de l’humanité.
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Re: Comment une démocratie devient totalitaire
Antigone
Que la doctrine des rapports entre la loi morale naturelle et la loi civile fasse partie du patrimoine de l’humanité, c’est tellement vrai que lorsqu’on cherche un personnage qui symbolise le respect héroïque de la loi morale contre une loi civile inique, on pense immédiatement à Antigone.
A l’Antigone de Sophocle, plus de quatre siècles avant Jésus-Christ. Pas à l’Antigone d’Anouilh, évidemment, totalement dépourvu d’intérêt pour ce qui nous occupe, puisque Anouilh, qui a repris la trame de la pièce de Sophocle, et en a recopié plusieurs passages, a soigneusement enlevé tout ce qui fait la grandeur du drame pour le remplacer par de jolies phrases aussi anodines que sentimentales. Il s’agit donc de l’Antigone de Sophocle. Vers 440 avant Jésus-Christ. Mais cette Antigone n’est pas seulement un symbole. La pièce de Sophocle, qui est un des plus puissants chefs-d’œuvre du théâtre grec, contient une très profonde réflexion sur le sujet qui nous occupe.
Cette pièce fait elle-même partie du patrimoine de l’humanité, au sens le plus fort du terme. Lorsqu’on la lit, aujourd’hui, on a l’impression qu’elle a été écrite pour notre temps, et, mis à part peut-être certaines interventions très mythologiques du chœur, qu’elle a été écrite par un dramaturge de notre temps. On a l’impression d’un texte très moderne, tant dans le langage, que dans ce style abrupt, direct, et ses séquence découpées comme des plans de cinéma. D’autre part, j’ai vu Antigone joué par une troupe de théâtre d’Afrique noire. Avec des costumes africains, des chants africains, une mise en scène spécifiquement africaine. Et cela fonctionnait de façon extraordinaire. Il est tout à fait évident qu’Antigone fonctionnerait de la même manière dans une mise en scène de kabuki japonais ou dans tout autre tradition théâtrale. Il s’agit véritablement d’une pièce universelle, qui parle à tout homme. Or Antigone est le symbole même du respect absolu de la loi morale naturelle, qui est donc universelle.
Il ne nous reste souvent qu’un écho très affaibli, très amoindri, d’Antigone. On nous dit voilà, il y a un tyran, qui s’appelle Créon, il a interdit qu’Antigone ensevelisse son frère mort, parce que ce frère est un criminel. Mais Antigone va quand même ensevelir son frère, parce qu’elle veut obéir à la loi divine qui exige que les morts soient ensevelis pour que leur âme puisse trouver la paix, tout en sachant parfaitement que Créon va la condamner à mort ; que Créon a déjà condamné à mort par décret quiconque ensevelirait le frère d’Antigone.
La pièce est plus complexe, et surtout beaucoup plus forte que cela. D’abord Créon n’est pas un tyran. Il ne peut être qualifié ainsi que dans la mesure où il s’oppose à la loi divine, à la loi naturelle, du respect dû aux morts. Il n’est un tyran que sous le rapport précis où Jean-Paul II dit que la démocratie devient un tyran.
Que la doctrine des rapports entre la loi morale naturelle et la loi civile fasse partie du patrimoine de l’humanité, c’est tellement vrai que lorsqu’on cherche un personnage qui symbolise le respect héroïque de la loi morale contre une loi civile inique, on pense immédiatement à Antigone.
A l’Antigone de Sophocle, plus de quatre siècles avant Jésus-Christ. Pas à l’Antigone d’Anouilh, évidemment, totalement dépourvu d’intérêt pour ce qui nous occupe, puisque Anouilh, qui a repris la trame de la pièce de Sophocle, et en a recopié plusieurs passages, a soigneusement enlevé tout ce qui fait la grandeur du drame pour le remplacer par de jolies phrases aussi anodines que sentimentales. Il s’agit donc de l’Antigone de Sophocle. Vers 440 avant Jésus-Christ. Mais cette Antigone n’est pas seulement un symbole. La pièce de Sophocle, qui est un des plus puissants chefs-d’œuvre du théâtre grec, contient une très profonde réflexion sur le sujet qui nous occupe.
Cette pièce fait elle-même partie du patrimoine de l’humanité, au sens le plus fort du terme. Lorsqu’on la lit, aujourd’hui, on a l’impression qu’elle a été écrite pour notre temps, et, mis à part peut-être certaines interventions très mythologiques du chœur, qu’elle a été écrite par un dramaturge de notre temps. On a l’impression d’un texte très moderne, tant dans le langage, que dans ce style abrupt, direct, et ses séquence découpées comme des plans de cinéma. D’autre part, j’ai vu Antigone joué par une troupe de théâtre d’Afrique noire. Avec des costumes africains, des chants africains, une mise en scène spécifiquement africaine. Et cela fonctionnait de façon extraordinaire. Il est tout à fait évident qu’Antigone fonctionnerait de la même manière dans une mise en scène de kabuki japonais ou dans tout autre tradition théâtrale. Il s’agit véritablement d’une pièce universelle, qui parle à tout homme. Or Antigone est le symbole même du respect absolu de la loi morale naturelle, qui est donc universelle.
Il ne nous reste souvent qu’un écho très affaibli, très amoindri, d’Antigone. On nous dit voilà, il y a un tyran, qui s’appelle Créon, il a interdit qu’Antigone ensevelisse son frère mort, parce que ce frère est un criminel. Mais Antigone va quand même ensevelir son frère, parce qu’elle veut obéir à la loi divine qui exige que les morts soient ensevelis pour que leur âme puisse trouver la paix, tout en sachant parfaitement que Créon va la condamner à mort ; que Créon a déjà condamné à mort par décret quiconque ensevelirait le frère d’Antigone.
La pièce est plus complexe, et surtout beaucoup plus forte que cela. D’abord Créon n’est pas un tyran. Il ne peut être qualifié ainsi que dans la mesure où il s’oppose à la loi divine, à la loi naturelle, du respect dû aux morts. Il n’est un tyran que sous le rapport précis où Jean-Paul II dit que la démocratie devient un tyran.
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Re: Comment une démocratie devient totalitaire
La logique supérieure d'Antigone
On voit là encore qu’a priori on ne peut que donner raison à Créon. Mais à sa logique de chef d’Etat s’oppose la logique d’Antigone, qui se situe sur un plan supérieur. Antigone ne croit pas, et elle le dit à Créon, que les édits du rois puissent avoir tant de pouvoir qu’ils permettent à un mortel de violer les lois divines, « lois non écrites, celles-là, mais intangibles ». Ce sont là les mots essentiels du drame de Sophocle : « des lois non écrites, celles-là, mais intangibles », des mots qui résonnent jusqu’à ce jour et qui résonneront jusqu’à la fin de l’histoire de l’humanité. Et Antigone précise que ces lois non écrites, « ce n’est pas d’aujourd’hui ni d’hier, c’est depuis l’origine qu’elles sont en vigueur, et personne ne les a vues naître. » C’est bien la même chose que dit Jean-Paul II quand il parle de « valeurs essentielles et originelles qu’aucune personne, aucune majorité ni aucun Etat ne pourront jamais créer, modifier ou abolir, mais que l’on est tenu de reconnaître, respecter et promouvoir ». Et c’est bien la preuve que cette doctrine n’a pas été inventée par le “vieux démon catholique”, pour reprendre l’expression du Monde.
Par conséquent, il vaut mieux mourir en respectant les lois éternelles et intangibles que vivre en faisant sienne une loi humaine qui les bafoue. La loi naturelle enseigne la dignité de la personne humaine, et le respect de cette dignité oblige à donner une sépulture à toute personne humaine, quel qu’ait été son crime.
Inutile d’insister sur le fait que cela n’a rien à voir avec l’immonde caricature d’Antigone qui nous apparaît aujourd’hui sous les traits, par exemple, de José Bové. Lorsque Bové est sorti de prison, il y avait là, entre autres représentants de la subversion, la présidente du Syndicat de la magistrature, Evelyne Sire-Marin, qui a déclaré : « Quand les gens commettent un acte de délinquance au nom de valeurs supérieures, ils doivent être excusés. » Madame Sire-Marin est cette personne qui avait proposé d’être témoin de moralité au procès du gauchiste marseillais qui avait fait sauter des locaux du Front national. Elle ne le connaissait pas du tout, mais elle pouvait témoigner de sa moralité, car il avait agi au nom de “valeurs supérieures” (à savoir la lutte contre la “bête immonde”). Nous sommes ici, non pas seulement dans la caricature, mais dans l’inversion diabolique des valeurs, qui deviennent celles de la subversion, et de la loi morale, qui devient justification de l’immoralité.
On voit là encore qu’a priori on ne peut que donner raison à Créon. Mais à sa logique de chef d’Etat s’oppose la logique d’Antigone, qui se situe sur un plan supérieur. Antigone ne croit pas, et elle le dit à Créon, que les édits du rois puissent avoir tant de pouvoir qu’ils permettent à un mortel de violer les lois divines, « lois non écrites, celles-là, mais intangibles ». Ce sont là les mots essentiels du drame de Sophocle : « des lois non écrites, celles-là, mais intangibles », des mots qui résonnent jusqu’à ce jour et qui résonneront jusqu’à la fin de l’histoire de l’humanité. Et Antigone précise que ces lois non écrites, « ce n’est pas d’aujourd’hui ni d’hier, c’est depuis l’origine qu’elles sont en vigueur, et personne ne les a vues naître. » C’est bien la même chose que dit Jean-Paul II quand il parle de « valeurs essentielles et originelles qu’aucune personne, aucune majorité ni aucun Etat ne pourront jamais créer, modifier ou abolir, mais que l’on est tenu de reconnaître, respecter et promouvoir ». Et c’est bien la preuve que cette doctrine n’a pas été inventée par le “vieux démon catholique”, pour reprendre l’expression du Monde.
Par conséquent, il vaut mieux mourir en respectant les lois éternelles et intangibles que vivre en faisant sienne une loi humaine qui les bafoue. La loi naturelle enseigne la dignité de la personne humaine, et le respect de cette dignité oblige à donner une sépulture à toute personne humaine, quel qu’ait été son crime.
Inutile d’insister sur le fait que cela n’a rien à voir avec l’immonde caricature d’Antigone qui nous apparaît aujourd’hui sous les traits, par exemple, de José Bové. Lorsque Bové est sorti de prison, il y avait là, entre autres représentants de la subversion, la présidente du Syndicat de la magistrature, Evelyne Sire-Marin, qui a déclaré : « Quand les gens commettent un acte de délinquance au nom de valeurs supérieures, ils doivent être excusés. » Madame Sire-Marin est cette personne qui avait proposé d’être témoin de moralité au procès du gauchiste marseillais qui avait fait sauter des locaux du Front national. Elle ne le connaissait pas du tout, mais elle pouvait témoigner de sa moralité, car il avait agi au nom de “valeurs supérieures” (à savoir la lutte contre la “bête immonde”). Nous sommes ici, non pas seulement dans la caricature, mais dans l’inversion diabolique des valeurs, qui deviennent celles de la subversion, et de la loi morale, qui devient justification de l’immoralité.
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Re: Comment une démocratie devient totalitaire
L'opinion publique
Revenons plutôt à Antigone. La vraie. Car la pièce ne s’arrête pas là. En effet, si Créon condamne Antigone à mort, il est amené à défendre son verdict face à des contradicteurs. Ce sera d’abord son propre fils, Hémon, qui est fiancé à Antigone. Hémon ne va pas pleurnicher et supplier Créon d’épargner sa bien aimée. Il va d’emblée à l’essentiel, lui aussi. Il commence par reconnaître l’autorité paternelle et royale : « Aucun mariage, dit-il à son père, n’aura à mes yeux plus de prix que ta sage autorité. » Et il enchaîne sur ce qui fonde cette sage autorité : « Les dieux ont doté les humains de la raison, qui est le plus précieux des biens. » Le roi n’est pas le seul homme doué de raison. Or on entend dans le peuple de nombreuses personnes qui disent qu’Antigone ne mérite pas la mort, et même qu’elle a accompli une belle action, qui lui mériterait plutôt une couronne d’or. Créon ne doit pas se croire l’unique détenteur de la vérité, et il n’y a pas de honte à s’instruire et à réformer ses jugements.
Créon résiste au discours de son fils, et quand celui-ci souligne que le peuple de Thèbes est en fait unanime dans la défense d’Antigone, il s’écrie : « Appartient-il à l’opinion publique de nous dicter notre conduite ? » Voilà un exemple de la modernité du texte de Sophocle. Le roi de Thèbes se préoccupe de “l’opinion publique”. Et c'est une grande question qu'il pose, assurément. Mais au lieu d’y répondre immédiatement par la négative, comme le fait Créon, il convient d’examiner ce qui dans l’opinion publique est conforme ou non conforme aux lois divines, à la loi morale naturelle. Tel est le travail d’une vraie démocratie, qui devient totalitaire quand elle décide a priori que l’opinion publique a tort quand, par exemple, elle demande que soit mis fin à l’immigration invasion, ou quand elle qualifie Jean-Marie Le Pen pour le deuxième tour de la présidentielle.
Créon insiste : « Je commets une injustice quand je fais respecter mon pouvoir ? » Hémon répond : « Tu le fais mal respecter si c’est aux dépens des dieux. » Ce n’est pas faire respecter le pouvoir que d’agir à rebours de la loi morale, c’est au contraire l'affaiblir et le corrompre.
Revenons plutôt à Antigone. La vraie. Car la pièce ne s’arrête pas là. En effet, si Créon condamne Antigone à mort, il est amené à défendre son verdict face à des contradicteurs. Ce sera d’abord son propre fils, Hémon, qui est fiancé à Antigone. Hémon ne va pas pleurnicher et supplier Créon d’épargner sa bien aimée. Il va d’emblée à l’essentiel, lui aussi. Il commence par reconnaître l’autorité paternelle et royale : « Aucun mariage, dit-il à son père, n’aura à mes yeux plus de prix que ta sage autorité. » Et il enchaîne sur ce qui fonde cette sage autorité : « Les dieux ont doté les humains de la raison, qui est le plus précieux des biens. » Le roi n’est pas le seul homme doué de raison. Or on entend dans le peuple de nombreuses personnes qui disent qu’Antigone ne mérite pas la mort, et même qu’elle a accompli une belle action, qui lui mériterait plutôt une couronne d’or. Créon ne doit pas se croire l’unique détenteur de la vérité, et il n’y a pas de honte à s’instruire et à réformer ses jugements.
Créon résiste au discours de son fils, et quand celui-ci souligne que le peuple de Thèbes est en fait unanime dans la défense d’Antigone, il s’écrie : « Appartient-il à l’opinion publique de nous dicter notre conduite ? » Voilà un exemple de la modernité du texte de Sophocle. Le roi de Thèbes se préoccupe de “l’opinion publique”. Et c'est une grande question qu'il pose, assurément. Mais au lieu d’y répondre immédiatement par la négative, comme le fait Créon, il convient d’examiner ce qui dans l’opinion publique est conforme ou non conforme aux lois divines, à la loi morale naturelle. Tel est le travail d’une vraie démocratie, qui devient totalitaire quand elle décide a priori que l’opinion publique a tort quand, par exemple, elle demande que soit mis fin à l’immigration invasion, ou quand elle qualifie Jean-Marie Le Pen pour le deuxième tour de la présidentielle.
Créon insiste : « Je commets une injustice quand je fais respecter mon pouvoir ? » Hémon répond : « Tu le fais mal respecter si c’est aux dépens des dieux. » Ce n’est pas faire respecter le pouvoir que d’agir à rebours de la loi morale, c’est au contraire l'affaiblir et le corrompre.
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Date d'inscription : 30/10/2024
Re: Comment une démocratie devient totalitaire
Créon et les “lois fondamentales”
Créon commence à réfléchir. Au lieu d’exécuter Antigone séance tenante, comme il venait de l’annoncer, il décide de la murer dans un caveau en lui laissant de la nourriture, et en laissant les dieux décider de son sort, ou plutôt pour lui laisser le temps à lui de décider ce qu’il fera finalement de la jeune fille.
Puis Créon a un autre entretien important, avec le prêtre Tirésias, qui est le vénérable chef des augures. Tirésias est venu apprendre au roi que les sacrifices ne marchent plus du tout. Il est devenu impossible de faire des présages, parce que les viscères des animaux sacrifiés ne brûlent plus normalement. Ils ne font plus de flamme, mais la graisse fume et crépite, elle coule en laissant les os à nu, le fiel s’en va en vapeur, etc., je vous passe les détails. Et le responsable, c’est Créon : « Je dis que la cité souffre de ton fait », affirme Tirésias. Parce que le cadavre de Polynice, resté à nu sur le sol, est déchiqueté par les oiseaux, et que les autels sont pleins des lambeaux de son cadavre transportés par les oiseaux. De ce fait, « les dieux n’agréent plus les prières des sacrifiants, et les oiseaux ne font plus éclater des cris de bon augure, car ils ont dévoré le sang coagulé d’un cadavre ».
Créon résiste encore, et discute. Mais Tirésias va être plus explicite. Tirésias parle d’Antigone murée dans un cachot. Il parle de Polynice dont le corps est privé des rites funèbres et de sépulture. Et il dit : « Tu n’as pas de droits sur eux, tu leur fais violence. » Et cela ne sera pas sans conséquences. Le résultat, c’est que Créon sera frappé par les dieux : « Je t’avertis que plusieurs soleils n’accompliront pas leur course que tu ne donnes à la mort un enfant de tes entrailles en expiation des crimes dont tu as à répondre. »
Voilà donc que ce que Créon pouvait faire valoir au début comme une manifestation de vertu politique est devenu un crime, si on l’examine au regard des lois divines, au regard de la loi naturelle.
Alors Créon est troublé. Et il finit par se déjuger publiquement. Il demande à des serviteurs de prendre des haches, et il dit : « Cette jeune fille que j’ai mise aux fers, je vais la délivrer moi-même. Le mieux, je le crains fort, est de respecter, jusqu’à la fin de ses jours, les lois fondamentales. »
Respecter jusqu’à la fin de ses jours les lois fondamentales. C’est Créon lui-même qui finit par reconnaître la primauté de la loi naturelle, par reconnaître que la loi morale prime sa loi civile. Malheureusement, c’est trop tard. Quand Créon arrive, Antigone s’est pendue, et Hémon se tue en la voyant morte. Puis c’est la femme de Créon qui se tue en apprenant la mort des enfants. Pas de happy end dans la tragédie grecque. La conséquence du viol de la loi naturelle est inéluctable. Chez les anciens Grecs, le sort est inexorable.
Créon commence à réfléchir. Au lieu d’exécuter Antigone séance tenante, comme il venait de l’annoncer, il décide de la murer dans un caveau en lui laissant de la nourriture, et en laissant les dieux décider de son sort, ou plutôt pour lui laisser le temps à lui de décider ce qu’il fera finalement de la jeune fille.
Puis Créon a un autre entretien important, avec le prêtre Tirésias, qui est le vénérable chef des augures. Tirésias est venu apprendre au roi que les sacrifices ne marchent plus du tout. Il est devenu impossible de faire des présages, parce que les viscères des animaux sacrifiés ne brûlent plus normalement. Ils ne font plus de flamme, mais la graisse fume et crépite, elle coule en laissant les os à nu, le fiel s’en va en vapeur, etc., je vous passe les détails. Et le responsable, c’est Créon : « Je dis que la cité souffre de ton fait », affirme Tirésias. Parce que le cadavre de Polynice, resté à nu sur le sol, est déchiqueté par les oiseaux, et que les autels sont pleins des lambeaux de son cadavre transportés par les oiseaux. De ce fait, « les dieux n’agréent plus les prières des sacrifiants, et les oiseaux ne font plus éclater des cris de bon augure, car ils ont dévoré le sang coagulé d’un cadavre ».
Créon résiste encore, et discute. Mais Tirésias va être plus explicite. Tirésias parle d’Antigone murée dans un cachot. Il parle de Polynice dont le corps est privé des rites funèbres et de sépulture. Et il dit : « Tu n’as pas de droits sur eux, tu leur fais violence. » Et cela ne sera pas sans conséquences. Le résultat, c’est que Créon sera frappé par les dieux : « Je t’avertis que plusieurs soleils n’accompliront pas leur course que tu ne donnes à la mort un enfant de tes entrailles en expiation des crimes dont tu as à répondre. »
Voilà donc que ce que Créon pouvait faire valoir au début comme une manifestation de vertu politique est devenu un crime, si on l’examine au regard des lois divines, au regard de la loi naturelle.
Alors Créon est troublé. Et il finit par se déjuger publiquement. Il demande à des serviteurs de prendre des haches, et il dit : « Cette jeune fille que j’ai mise aux fers, je vais la délivrer moi-même. Le mieux, je le crains fort, est de respecter, jusqu’à la fin de ses jours, les lois fondamentales. »
Respecter jusqu’à la fin de ses jours les lois fondamentales. C’est Créon lui-même qui finit par reconnaître la primauté de la loi naturelle, par reconnaître que la loi morale prime sa loi civile. Malheureusement, c’est trop tard. Quand Créon arrive, Antigone s’est pendue, et Hémon se tue en la voyant morte. Puis c’est la femme de Créon qui se tue en apprenant la mort des enfants. Pas de happy end dans la tragédie grecque. La conséquence du viol de la loi naturelle est inéluctable. Chez les anciens Grecs, le sort est inexorable.
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Re: Comment une démocratie devient totalitaire
Le devoir de piété
Mais ceux qui connaissent Antigone savent qu’il manque quelque chose dans mon exposé. Il manque la clef de tout, il manque le fondement. Ce fondement, c’est la piété, c’est l’amour.
Ce que commandent les dieux, à propos du cadavre de Polynice, ce sont les devoirs de piété. La piété, c’est l’axe même de loi morale naturelle. C'est le premier commandement de la deuxième table du Décalogue : tes père et mère honoreras. La piété, c’est l’hommage qui est dû à tous ceux qui nous ont précédés, l’hommage dû à nos parents, l’hommage dû à tous ceux qui ont fait la patrie dans laquelle nous vivons, et sans qui nous ne serions rien. Car tout ce que nous avons nous a été donné en héritage, et nous sommes des débiteurs insolvables. Ce qui me frappe le plus chez Jean-Marie Le Pen, c’est cette conscience aiguë qu’il a de la piété filiale, de l’hommage qui est dû aux morts de la patrie, à toutes ces générations qui nous ont légué un somptueux héritage dont nous ne sommes que des usufruitiers et que nous avons le devoir de transmettre aux générations futures, enrichi si possible, en tout cas pas trop abîmé. Car cet héritage ne nous appartient pas. C'est sans doute pourquoi le commandement “Tu honoreras ton père et ta mère” est le seul du Décalogue qui comporte une promesse de récompense temporelle : « Honore ton père et ta mère, afin de vivre de longs jours et d’être heureux sur la terre. » Cette promesse n'est pas à prendre sur le plan personnel, mais sur le plan social, sur le plan de la civilisation. La civilisation dont on hérite ne peut durer dans l'avenir, et ne peut être heureuse, que si l'on pratique la piété envers ceux qui nous l'ont léguée. Cela va autrement plus loin que le “développement durable” dont on nous bassine ces jours-ci au “Sommet de la terre” de Johannesburg.
Dans Antigone, le devoir de piété est à son extrême limite. Et c’est toute la force du drame. La piété, cela va jusqu’à respecter le devoir dû aux morts même quand le mort est un traître et un criminel. Parce que ce mort fait partie de la famille, parce que ce mort fait partie de la patrie, même s’il l’a trahie. Et surtout parce que ce mort est un membre de l’humanité, et que la loi morale naturelle s’applique à tous les membres de l’humanité, quels qu’ils soient. Je ne peux m’empêcher de penser ici au jeune lieutenant Jean-Marie Le Pen, qui se distingua en Egypte en ensevelissant les morts musulmans selon leur rite, sans se demander s’ils étaient amis ou ennemis.
Que la piété naturelle soit au cœur de la pièce de Sophocle, ce n’est pas une interprétation de ma part, c’est dans la conclusion même de la pièce, que voici : « Ce qui compte avant tout, pour être heureux, c’est d’être sage. Et surtout il ne faut jamais manquer à la piété. Les présomptueux, de grands coups du sort leur font payer cher leur jactance et leur enseignent, mais un peu tard, la sagesse. »
Dans le corps de la pièce, Antigone revendique elle-même ce devoir de piété. Et elle dit publiquement, au peuple de Thèbes, quand elle est condamnée : « Voyez quel traitement je subis, à cause de ma piété. »
Mais ceux qui connaissent Antigone savent qu’il manque quelque chose dans mon exposé. Il manque la clef de tout, il manque le fondement. Ce fondement, c’est la piété, c’est l’amour.
Ce que commandent les dieux, à propos du cadavre de Polynice, ce sont les devoirs de piété. La piété, c’est l’axe même de loi morale naturelle. C'est le premier commandement de la deuxième table du Décalogue : tes père et mère honoreras. La piété, c’est l’hommage qui est dû à tous ceux qui nous ont précédés, l’hommage dû à nos parents, l’hommage dû à tous ceux qui ont fait la patrie dans laquelle nous vivons, et sans qui nous ne serions rien. Car tout ce que nous avons nous a été donné en héritage, et nous sommes des débiteurs insolvables. Ce qui me frappe le plus chez Jean-Marie Le Pen, c’est cette conscience aiguë qu’il a de la piété filiale, de l’hommage qui est dû aux morts de la patrie, à toutes ces générations qui nous ont légué un somptueux héritage dont nous ne sommes que des usufruitiers et que nous avons le devoir de transmettre aux générations futures, enrichi si possible, en tout cas pas trop abîmé. Car cet héritage ne nous appartient pas. C'est sans doute pourquoi le commandement “Tu honoreras ton père et ta mère” est le seul du Décalogue qui comporte une promesse de récompense temporelle : « Honore ton père et ta mère, afin de vivre de longs jours et d’être heureux sur la terre. » Cette promesse n'est pas à prendre sur le plan personnel, mais sur le plan social, sur le plan de la civilisation. La civilisation dont on hérite ne peut durer dans l'avenir, et ne peut être heureuse, que si l'on pratique la piété envers ceux qui nous l'ont léguée. Cela va autrement plus loin que le “développement durable” dont on nous bassine ces jours-ci au “Sommet de la terre” de Johannesburg.
Dans Antigone, le devoir de piété est à son extrême limite. Et c’est toute la force du drame. La piété, cela va jusqu’à respecter le devoir dû aux morts même quand le mort est un traître et un criminel. Parce que ce mort fait partie de la famille, parce que ce mort fait partie de la patrie, même s’il l’a trahie. Et surtout parce que ce mort est un membre de l’humanité, et que la loi morale naturelle s’applique à tous les membres de l’humanité, quels qu’ils soient. Je ne peux m’empêcher de penser ici au jeune lieutenant Jean-Marie Le Pen, qui se distingua en Egypte en ensevelissant les morts musulmans selon leur rite, sans se demander s’ils étaient amis ou ennemis.
Que la piété naturelle soit au cœur de la pièce de Sophocle, ce n’est pas une interprétation de ma part, c’est dans la conclusion même de la pièce, que voici : « Ce qui compte avant tout, pour être heureux, c’est d’être sage. Et surtout il ne faut jamais manquer à la piété. Les présomptueux, de grands coups du sort leur font payer cher leur jactance et leur enseignent, mais un peu tard, la sagesse. »
Dans le corps de la pièce, Antigone revendique elle-même ce devoir de piété. Et elle dit publiquement, au peuple de Thèbes, quand elle est condamnée : « Voyez quel traitement je subis, à cause de ma piété. »
Pirate- Messages : 157
Date d'inscription : 30/10/2024
Re: Comment une démocratie devient totalitaire
Au cœur de la loi naturelle : l'amour
La piété, c’est une forme de l’amour. Il n’y a pas de piété filiale sans amour filial. Et c’est une des plus belles répliques d’Antigone à Créon que celle-ci : « Je suis faite pour partager l’amour, non la haine. » Ce ne sont pas là des mots. Il ne s’agit pas de belles paroles. Il s’agit de l’amour concret, de l’amour en action, de l’amour comme règle de vie. A sa sœur qui tergiverse sur la conduite à tenir tout en assurant Antigone de son soutien, celle-ci répond : « Je n’ai point d’amour pour qui ne m’aime qu’en paroles. »
Ce n’est pas la contrainte qui est au cœur de la loi morale naturelle, ce n’est pas la peur des dieux, c’est l’amour. Voilà pourquoi l’Eglise catholique, qui prêche le Dieu d’Amour, est tellement à son aise avec la loi naturelle. Voilà aussi comment une démocratie devient totalitaire : quand elle remplace l’amour entre les citoyens, l’amour entre les générations, l’amour qui s’épanouit dans l’harmonie de la loi naturelle, par l’envie, par la haine, par la division, par l’exclusion, par la diabolisation des serviteurs de la loi naturelle. Car le totalitarisme, c’est le renversement, la subversion de la loi morale naturelle. C’est Créon qui devient Staline au lieu de reconnaître ses torts. C’est Chirac qui pour sauver son poste impose à l’opinion publique tout entière le mensonge absolu d’un Le Pen nouvel Hitler.
La piété, c’est une forme de l’amour. Il n’y a pas de piété filiale sans amour filial. Et c’est une des plus belles répliques d’Antigone à Créon que celle-ci : « Je suis faite pour partager l’amour, non la haine. » Ce ne sont pas là des mots. Il ne s’agit pas de belles paroles. Il s’agit de l’amour concret, de l’amour en action, de l’amour comme règle de vie. A sa sœur qui tergiverse sur la conduite à tenir tout en assurant Antigone de son soutien, celle-ci répond : « Je n’ai point d’amour pour qui ne m’aime qu’en paroles. »
Ce n’est pas la contrainte qui est au cœur de la loi morale naturelle, ce n’est pas la peur des dieux, c’est l’amour. Voilà pourquoi l’Eglise catholique, qui prêche le Dieu d’Amour, est tellement à son aise avec la loi naturelle. Voilà aussi comment une démocratie devient totalitaire : quand elle remplace l’amour entre les citoyens, l’amour entre les générations, l’amour qui s’épanouit dans l’harmonie de la loi naturelle, par l’envie, par la haine, par la division, par l’exclusion, par la diabolisation des serviteurs de la loi naturelle. Car le totalitarisme, c’est le renversement, la subversion de la loi morale naturelle. C’est Créon qui devient Staline au lieu de reconnaître ses torts. C’est Chirac qui pour sauver son poste impose à l’opinion publique tout entière le mensonge absolu d’un Le Pen nouvel Hitler.
Pirate- Messages : 157
Date d'inscription : 30/10/2024
Re: Comment une démocratie devient totalitaire
C'est ce qui est en train de nous arriver et on laisse faire .
Justicier- Messages : 122
Date d'inscription : 27/10/2024
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